Mon entreprise, c'est d'inscrire sur ce site peu à peu toute ma poésie, depuis 1967,
Gorelli.
.../... Notre mer est aussi
cette longue trace bleue
sous la paupière du ciel
pour séduire le monde
notre mer est aussi
cette belle alanguie
la chevelure bleue
de tout son long sur la crique
notre mer est aussi
cette lécheuse de pierres
sèches pour les hommes
qui salive la vie
notre mer est aussi
cette langue amoureuse
qui vient baiser le monde
jusqu'au fond de ses gorges
PORT La mer à la même place chaque fois
qu'on descend sur le port
à nos pieds la fraîcheur sous la pierre blanche du jour
le mystère des légendes sous la transparence
au coin de l'avenue j'ai vu
le temps passer du nacre de la mer aux étoiles de la nuit
au matin une lumière paresseuse une vague de lumière
comme une femme depuis des siècles étendue ne lève ses voiles qu'un à un
Cléopâtre de la rue est son bain
sphinx en jeans quelle est son énigme
sa bouche est un piment sur le plat de la place
son visage trace une étoile filant
et le café solitaire au parfum d'aventure
départ au plus clair du quai
de quels souvenirs quels espoirs quelles attentes
viennent s'abreuver ces hommes ces femmes sur un banc
de quel bateau sur le départ quelle eau quelle autre mer
quelle autre rive quelles miettes de soleil plein leurs poches vides
la mer derrière la vitre la chambre en plein ciel
gonflée de lumière la chevelure du soleil par la fenêtre
l'été ouvre des présences frôlent les rideaux
le mythe une silhouette bleue au bout de l'avenue
et le dur soleil de cette ville
un coup de poing dans les yeux
si tu veux te laver le regard la cloison navale le cerveau
faire baisser ton niveau de colère
va faire un tour sur le port par beau temps
un pinceau de lumière est peintre de la ville
la lumière
c'est du beurre sur le pain des jours
Viens viens dit le port
au voyageur qui dort au coeur de ses bagages
à l'inconnu vineux qui bute sur sa vie
à ce bluesman blanchi dans un habit trop large
à la fille mi-nue que son rire a suivie
viens
et je te livrerai de toutes mes épices
la mouette en plein vol et le sel qui remonte
la rumeur et le vent de millions de rencontres
le soleil en terrasse et le serveur complice
viens viens dit le port
LA FEMME SEULE DANS LA MAISON SUR LA MER
Elle offre la mie de ses mains à l'oeil des mouettes
elle a le visage à hauteur de l'eau
elle regarde la mer lorsque ses mains s'arrêtent
j'imagine que c'est elle qui la pleure de là-haut
mes yeux ne voient pas d'image plus amère
mon chant ne dit pas un plus intime solo
que celui de la femme seule dans la maison sur la mer
Elle passe d'un mur blanc du jour à l'autre
sans que son pas la mène à un murmure la guitare fait le tour
sinon le vent sur la toiture du coeur
haute
puis le coeur
dans un drap de silence la nuit un trou vide sous les doigts
son corps se perd
les doigts toujours entre les cordes
femme seule dans la maison sur la mer à tâtonner un équilibre
Au matin elle aura toute la lumière
des fenêtres
mais que la lumière est froide quand l'espace est désert
de l'autre côté d'une vitre
elle est prisonnière
peut-être
moi du loin des rêves qui sortent de ma tête
je n'arrive jamais assez vite
vers
le rêve de la femme seule dans la maison sur la mer
Au creux de Marseille la Canebière MARSEILLE
adolescent je m'y jette
fille aux cheveux noirs comme la nuit
les yeux des néons m'éclaboussent
le sel dans la chevelure de la rue
j'ai le sel sur le bout de la langue
je descends les mains ouvertes
sur l'étalage des offres
en transit amoureux
de cannelle de musc de cachemire
espace d'azur et de rayons rue bordée par l'infini
cette artère m'ouvre au monde
les siècles en compagnie
descendent l'avenue qui mène à la mer
les peuples s'interpellent
d'un trottoir du monde à l'autre
foule mer qui déferle à la mer une tête sur l'autre
je te ressemble comme deux gouttes
italien débarqué d'un sillon depuis sur les docks
frère
espagnole flamme noire où brûle du regret
soeur
arménien goutte d'un peuple de sang
frère
antillaise au sucre dans la bouche
marocaine en peau de cuir soeurs
congolais tonkinoise algérien à la recherche
de votre richesse en exil frère soeur frère L'AMI ETRANGER
ma ville transforme en savon le coprah des îles
comme l'étranger en homme de Marseille Avoir un ami étranger
la première pierre de notre ville c'est pour pas un rond voyageur
est grecque
les grecs traversèrent la mer il vient avec ses paysages
d'une ville aujourdhui turque au fond des yeux au bout des gestes
les fruits de notre table les replis de son pays restent
ont traversé la terre sur les rides de son visage
la tomate du Mexique le melon d'Afrique
pastèque un nom portugais Avoir un ami étranger
le concombre d'Orient l'olive d'Asie c'est pour pas un rond voyager
aubergine un mot de l'arabe
notre table est le partage des peuples il vient avec tout un langage
notre peuple un marché méditerranéen c'est un paysage sonore
je vous lirai l'annuaire de Marseille qui roule sa peine ou son or
et vous en rêverez comme un écho dans nos bagages
Acquaviva Adamandiadis Ammour
Apollonia Balaam Bidjou Boccacio Avoir un ami étranger
Calderon Cervantes Chan-Ling Cumbo c'est pour pas un rond voyager
Delfiorentino Djaffar Djian
Escriva Floris Fructus Geronimo il vient avec ses habitudes
Heraclide Iliadis Iris Kriticos qui changent les nôtres un peu
Machado Manolis M'Bongo et puis qu'à notre tour on peut
Nadjar N'Diane Olympe Parola changer pour devenir moins rudes
nous sommes sur une place
où appareille la fraternité .../...
Sur les journaux des ports il y a une rubrique quotidienne qui annonce
les noms des bateaux qui partent, ceux qui arrivent, leur destination, leur
provenance sous le titre...
LES MOUVEMENTS DU PORT
Ce sont nos rêves navires que vous portez
de glisser sans entrave au-dessus de la vie
Pegasus pour mer Liberté pour Algérie
de laisser au sillage nos mélancolies
pour l'horizon où rien encor ne transparaît
Langvann des Indes Apollonia du Pirée
d'avancer avec tout le temps à l'infini
entre un ciel immuable et une mer sans faille
Fu Yuan Shan pour Lagos de Valence Blue Nile
On imagine un frère du même liquide
mais sur l'autre versant des côtes maternelles
Cap Afrique pour Tunis Galia d'Israël
Vous êtes le vrai sang de ma ville navires
qu'elle aspire et rejette ainsi qu'un coeur vivant
Marseille à La Spezia Dieppe pour Abidjan
qui fait son mouvement bercé des horizons
et son geste plus large et plus ouvert son bras
pour Odessa Pavel d'Alexandrie Nwayba
qui lui donne son calme ou sa fureur selon
ce qu'apporte le flot et ce qu'attend le port
Mahajonga de Venise Issli pour Nador
.../...
Ecrit
entre 1986 et 2000
de retour à Marseille
Dit
à partir de 1987 dans les séances de "La Mer parle", que j'ai créé cette année-là, sur les îles: Château d'If, Phare du Planier, Frioul, Embiez, île Verte, en tournée sur le voilier "Le Don du Vent", dans un récital en solo ou concert poétique avec musicien(ne)s par mois environ, Médiathèque Alcazar, Jardin du Port Antique, bateau Le Marseillois, Ferry-Boat... île de Porquerolles, Château des Baux-de-Provence... à travers le Sud de Perpignan à Nice en passant par les Bibliothèques de l'Hérault, le Centre Giono de Manosque, ainsi qu'à Paris: Maison des Ecrivains, France-Culture, Centre Pompidou, Institut du Monde Arabe... Bruxelles: le Théâtre-Poème, en tournée: Ajaccio, Toulouse, Poitiers, Quimper, Roubaix, Colmar...
édité dans "Poème pour la Méditerranée" (europe-poésie, puis la vague à l'âme), "La Mer est ma Demeure" et "Juste avec le Monde" (l'harmattan), l'ensemble repris dans "Parolade de la Mer" (parole), et dans les cds musicaux "Iliade" (diffusion harmonia mundi), "Ports" et "Taverne Méditerranée" (parole)
Illustré
par un récital sur le pont du Marseillois au Vieux-Port